L'île des hommes à hublots II

Publié le par Albert Soulillou

Celui-ci, qui a réglé sa soupape d’échappement d’air, va descendre.

Il peut, s’il le veut, le faire sans échelle, grâce au système de vidage d’air intensifié par le bouton de soupape de l’intérieur du casque. Il recevra un air sans odeur, car les dernières pompes n’utilisent ni huile ni graisse pour l’entretien des cuirs de piston. Il descendra sans appréhension, les nouveaux tubes pouvant répondre à une pression de 15 atmosphères ou 15 kilos par centimètre carré, qu’on ne trouve qu’à une profondeur de 150 mètres.

 

Les hommes de la pompe ne devront pas quitter des yeux l’aiguille du manomètre. L’équilibre doit toujours être maintenu entre la pression sur le corps de l’homme et la pression dans les poumons. Sur le corps il y a, à l’air libre, 1 atmosphère. Il y en a également une dans les poumons. Une colonne d’eau de 10 mètres équivaut en poids à 1 atmosphère de pression. Donc le corps du plongeur aura à supporter l’atmosphère initiale plus l’atmosphère due aux 10 mètres de colonne d’eau. Il faut donc lui envoyer 2 atmosphères pour le moins, sans compter 1 atmosphère de précaution pour parer aux accidents et fuites possibles.

 

 

 

Même s’il n’est pas muni du tube acoustique, le scaphandrier, grâce à un code convenu, ne cesse de correspondre avec le chef par coups tirés sur la corde-guide. Trois coups signifient : « Donnez-moi moins d’air ». Deux seulement signifieront qu’il en faut davantage. D’autres combinaisons indiqueront les outils à faire parvenir au plongeur. Il y aura même parmi ceux-ci des chalumeaux. Au fond des eaux la flamme en jaillit librement, car le vide est fait autour d’elle par une projection d’air comprimé provenant du chalumeau même. A côté de ce feu que l’eau n’éteint pas il y a aussi la lampe sous-marine. Elle est parfois indispensable, mais en général les hommes du fond hésitent à l’employer, lui devant souvent plus d’éblouissement que de clarté. Mais la respiration ne provoque-t-elle pas une buée gênante sur les hublots du scaphandre ? L’arrivée d’air dans le casque se fait par une tubulure se séparant en trois branches aplaties dont chacune s’ouvre contre une des trois glaces. L’air envoyé débouche donc de manière à chasser la vapeur d’eau qui pourrait les voiler et assure la netteté de sa vision à l’homme, netteté relative, car parfois à 2 mètres autour de lui c’est la nuit complète sans les artistiques phosphorescences marines. Fréquemment, à 1 m. 50, le plongeur a de la peine à distinguer son travail. On a vu, lors des déblaiements des ponts détruits pendant la retraite, des scaphandriers habitués aux ports maritimes abandonner ces eaux ténébreuses de nos fleuves et rivières, trop accoutumés qu’ils étaient aux séjour dans des eaux océaniques où il est fréquent de distinguer à peu près objets et êtres à 20 mètres à la ronde. La visibilité paraît être proportionnée à l’insociabilité des hôtes des profondeurs. Ce n’est point en effet pour se défendre contre pieuvres ou squales que notre scaphandrier d’eau douce, mais sombre, s’est armé d’un long poignard accroché à sa ceinture. Ce n’est qu’un outil fort indiqué pour le travail avec les câbles.

Le plus vorace des habitants de nos rivières est au contraire le meilleur des amis pour le plongeur. Maints scaphandriers travaillant à des travaux de longue haleine ont eu pendant une quinzaine le même brochet comme compagnon apprivoisé. D’autres poissons, peu farouches, apprécient que l’homme leur soulève des décombres en remuant des vases riches en provende, mais certes la familiarité du brochet pour l’homme à hublots les contrarie. Après lui la brème démontre la plus grande amitié. Mais elle aime tellement se placer contre la glace de face pour regarder l’homme les yeux dans les yeux qu’elle en est gênante. Quant à la truite, quelle chance qu’un scaphandrier puisse dans une rivière qu’elle hante ou dans les fondations d’un barrage en montagne gentiment la caresser sous le ventre. Elle accourt, se laisse cajoler et bien souvent capturer.

Suite : http://revueoceania.over-blog.org/article-3209050.html

 

 

 

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